Charles Péguy

Communication au colloque sur Péguy et la poésie, Ecole Normale Supérieure, samedi 20 janvier 2024.

 

À propos d’Ève : quand Péguy nous livre son art poétique.

Il y a quelque chose de pathétique dans la publication et la première réception de cette œuvre immense, ce chef-d'œuvre de Péguy qu'est Ève.

Ce long poème paraît le 28 décembre 1913 dans un Cahier qui compte 396 pages. Géraldi Leroy écrit que « beaucoup de lecteurs furent déconcertés voire consternés par la masse de ce cahier compact ». Et il cite cet extrait d'une lettre de Péguy au fidèle Joseph Lotte : « Le Cahier est tombé dans un silence de plomb. On n'en a pas vendu quatre exemplaires en 10 jours »1.

Comment ne pas penser aussitôt à ce que Péguy révélait dans un texte intitulé « Entre deux trains » paru en 1900 sur la réception de sa première œuvre, la première Jeanne d'Arc de 1897, lorsqu'il écrit que sur les mille exemplaires « L'auteur en donna 200 à ses amis, à ses camarades, aux amis de ses amis et aux amis et camarades de ses camarades et amis […] les exemplaires qui demeuraient dormirent un long sommeil […]. Un seul exemplaire fut vendu commercialement, et encore l'auteur est-il autorisé à considérer cet achat comme un témoignage de cordialité personnelle2 ». Ainsi la dernière œuvre de Péguy publiée de son vivant a ceci de commun avec la première : toutes deux furent de notoires insuccès. Ce qui n'empêchera pas des vers de l'une et de l'autre couvrir des pages du Lagarde et Michard et d'être largement connues : Adieu Meuse endormeuse…, pour la première et Heureux ceux qui sont morts… pour la dernière ! Cruel renversement : Péguy fut assurément l'un des auteurs les moins lus et les moins célébrés de son vivant. Il en conçut une compréhensive amertume, sur laquelle je vais revenir.

On trouve une preuve complémentaire de ce désamour lorsqu'on suit la diffusion des Cahiers de la Quinzaine à partir de la publication des trois Mystères : ainsi au début de la XVe et dernière série, la revue a perdu deux cents abonnements. Et Romain Rolland « chiffre au nombre de cent les désabonnements qui suivent la publication d’Ève ». Les abonnés institutionnels eux-mêmes font défection : Péguy écrit à Pierre Marcel le 30 décembre 1913 : « On me coupe mes vingt-deux abonnements de la ville de Paris ». Pris véritablement à la gorge, Péguy cherche urgemment un emploi et candidate pour un poste de bibliothécaire à l'École Polytechnique et un poste de conservateur à la Bibliothèque Mazarine, afin de « se procurer un complément de ressource ». Mais ces candidatures sont vaines3.

Quant à la réception du livre, elle fut détestable. Dans son livre remarquable sur « Les Cahiers de la Quinzaine » Frantisek Laichter (4) nous dit que les Tharaud « ne se donnèrent pas la peine de lire « l'épopée religieuse », étant « saisis d'épouvante », que « Romain Rolland avouait n'avoir pas entièrement coupé le gros volume », et que « ce n'est que des années plus tard qu'il s'astreignit à lire cette construction barbare », les journaux et revues étaient, à de rares exceptions, d'un total mutisme sur Ève et que la revue de Guillaume Apollinaire « Les Soirées de Paris » publia ce persiflage : « Ce livre n'est ni catholique, ni chrétien. Le Christ semble étrangement vil et diminué. Il parle le langage d'un petit employé ou d'un banquier en faillite… comme une béguine qui prie entre deux calomnies et crache du venin dans la soupe de ses voisins. M. Péguy apporte un cœur empoisonné par les soucis personnels dans le temple de la miséricorde ».

Il y a une seule exception : un article publié le 10 mai 1914 par le pasteur Jules-Émile Roberty dans Le Journal de Genève. Dans son livre « L’Èvede Péguy » paru en 1948, qui est une admirable analyse de l'œuvre, Albert Béguin dit de cet article que c’est le seul article sérieux sur Ève – et qui devait rester longtemps unique »5.

Jules-Émile Roberty achève cet article par ses propos prémonitoires : « Qui aujourd'hui lira Ève ? Quelques curieux de littérature et quelques fervents chrétiens. Mais, en Sorbonne, dans cinquante ans on présentera des thèses qui parleront d'elle, et quand Péguy et ses héritiers ne toucheront plus de droits d'auteur, les bibliothèques populaires à vingt-cinq centimes répandront ces travaux dans tout le peuple de France »6.

C'était donc une exception… dans un océan de silence, d'incompréhension, de désintérêt et de moqueries7.

Il m'est apparu essentiel d'évoquer tout ce contexte pour éclairer le texte dont nous allons parler maintenant, signé du pseudonyme J Durel.

Déçu et plus que déçu par l'accueil réservé à Ève, Péguy se tourne vers son ami Joseph Lotte, directeur du Bulletin des professeurs catholiques de l'Université, afin que paraisse une analyse fidèle à la lettre et à l'esprit de ce long poème. Dans un premier temps il lui dit dicte un texte, puis le relisant, il le corrige, le complète, ajoute 19 feuillets, relit encore les épreuves. Il écrit à Lotte le 14 janvier 1914 : « Tout le monde verra bien tout de suite que ça procède, de moi »8. Si bien qu’Albert Béguin peut écrire que ce texte qui au départ était un entretien, « est entièrement l'œuvre de Péguy »9. Il suffit de le lire pour en être persuadé tant l'écriture est celle, sans pareille de Péguy.

Péguy est dans une sorte de rage.

« Dans mon Èveil y aura tout » avait-il écrit10. Le 16 août 1913, il avait écrit à Romain Rolland : « Nous sommes épuisés de travail et de peine »11 et le 27 septembre à Lotte : « Je fais mon Ève. Ça aura quinze mille vers. J'écris cinquante vers tous les matins, parfois cent » - « avant le réveil des enfants », précise Frantisek Laichter - et Péguy ajoute : « Ce sera une Iliade […] ce sera plus fort que le Paradis de Dante »12. Dans le second semestre de 1913, il aura écrit 11868 vers. Il en publierait 7644, laissant de côté 4288 qui paraîtront sous le titre fallacieux de « Suite d’Ève » Et, alors même que le texte était à l'impression, il continuait d'écrire comme s'il était happé, habité, emporté par l'œuvre, pour laquelle, en laquelle, il avait tout donné. Oui il était en rage. C’était sans doute une rage froide, une colère froide. Son immense poème regorgeant d'images était le geste du salut. Ses quatorze « Climats » (ainsi appelait-il les différentes parties du poème) déclinaient toute l'histoire, se répondaient les uns aux autres. C'était méticuleusement, exactement composé. Et en même temps, c'était un flux, un océan poétique déferlant comme des vagues avec ses flots de lyrisme indissociables de la polémique, d'invectives et d’incantations - des flots de pure poésie, d'une poésie faite de tous les genres, de tous les lexiques, riche de rythmes s’appelant l'un l'autre. Oui, il avait tout donné dans cette œuvre. Et il ne comprenait pas qu'on ne le comprenne pas, et même qu'on ne le regarde pas.

Alors il a pris la parole. Devant Lotte il a déroulé l'explication de texte la plus lumineuse, la plus fabuleuse qui soit. Elle fut écrite, réécrite. Péguy s'occupa dans les détails de la diffusion de ce texte qui serait donc signé J Durel, donnant des instructions qui peuvent apparaître bien prosaïques au cher Lotte pour l'envoi du livre, ne négligeant ni les académiciens ni les évêques. Les préoccupations temporelles existaient bien. Mais au-delà de tout, il y avait la rage causée par « le silence de plomb » qui avait accueilli sa grande œuvre. Alors, il a fallu qu'il s'engage, qu'il s'engage lui-même entièrement et se fit le chantre de l’immense poème.

Et cela explique sans doute l'ouverture tonitruante du Durel dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle n'est pas modeste et qu'elle est dans son orgueil même l'occasion de s'inscrire dans les plus hautes sphères du patrimoine littéraire : « Polyeucte excepté, que Péguy nous a enseigné de mettre au-dessus de tout, tout permet de penser que cette Èveet l'œuvre la plus considérable qui ait été produite en chrétienté depuis deux siècles »13. Cette incroyable déclaration est suivie de bien d'autres. Ainsi : « Dans l'ordre littéraire […] il ne fait aucun doute non plus que cette œuvre sera mise parmi les plus grandes »14. Avec toutefois une prescience quant au destin futur du livre : « Il est probable, quelle que soit la fortune actuelle de ce livre qu'il ne développera toutes ses puissances qu'après d'assez longues incubations »15.

À partir de là, une question se pose qu’on jugera triviale, mais qu'il est difficile de ne pas se poser : Péguy croit-il ce qu'il dit dans sa phrase d'ouverture, annonçant radicalement que son œuvre est la « plus considérable » depuis Polyeucte, et même avant, quand il annonce que son œuvre est « parmi les plus grandes » et se compare à Dante.

J’oscille entre deux explications. La première consiste à croire que, oui il y croit. Il a tant donné, s'est tant épuisé à écrire un millier de verres qu'il est encore, au moment de la dictée du Durel, comme tétanisé, abasourdi -oui, envahi - par l'ampleur du travail - et se veut radicalement intransigeant quant à la grandeur de son œuvre.

Seconde explication : Péguy sait bien, il sait quand même, il se résout à considérer qu'il exagère avec ces dithyrambes. Et bizarrement le comique intervient dans le texte. De diverses manières. Ainsi comme exemple de classicisme cite-t-il Monsieur de Pourceaugnac et la comtesse d'Escarbagnas alors qu'on eût pu attendre d'autres ouvrages (exactement comme dans Clio on voit apparaître la Chanson de Chérubin en consonance - ou dissonance ? - avec les vers de Hugo). Mais surtout, le Durel s'achève sur ces mots inattendus mystérieux : « Dans d'autres morceaux que l'on ne trouvera pas dans ce livre, que nous ne pouvons pas publier » - ce sont les quadrains non retenus qui deviendront ce qui est appelé dans la première Pléiade la « Suite d’Ève » et dans la dernière « Les quadrains non retenus » -, il apparaît notamment un sens du comique en vers et d'une certaine sorte de bonheur par le comique, une certaine tendresse mouillée, une certaine rudesse tendre, qui paraissait perdue elle aussi depuis Corneille et Le Menteur.

Un comique graveet d’autant plus profond qu’il prend appui sur le fond d’une invincible mélancolie »16.

Impossible de ne pas relier ces deux dernières phrases à la première du texte. On revient à Corneille. On passe de Polyeucte au Menteur. C'est vrai que le comique ne manque pas dans Ève, depuis le climat de la crèche et « ces deux gros dodus » et ces « mangeurs d'épeautre » et le « royaume herbivore »17 jusqu'à celui du monde moderne et ses glyptothèques, ses sténologographes et ses porte-épaulettes18.

Mais, au-delà de cela, comment ne pas penser que Péguy sait l'outrance que constituent les hyperboles quant à la qualité de son écriture. Et qu’en même temps il est absolument persuadé de la force vive, inouïe, tellurique de cette écriture, de cette épopée de l'histoire et de l'espace, du corps et de l'âme qu'il porte en lui, cette écriture qu'il reprend, et continue toujours contre vents et marées, « comme un cheval qu’on crève »19 - pour reprendre l'une de ses expressions. Et plutôt que de trancher entre ces deux thèses, ces deux versions, ces deux versants, il se situe au cœur de l'apparente contradiction. D'où ce « sens du comique en vers », cette « certaine forme de bonheur par le comique », « cette certaine tendresse mouillée », « cette certaine rudesse tendre » - un oxymore, comme toujours, significatif -, ce « comique grave » - un oxymore encore. Et l'on voit bien que tout cela, ces contradictions finalement affichées conduisent à l’« invincible mélancolie » qui vient tempérer les affirmations orgueilleuses et absolues et récuser pour autant le « silence de plomb », les critiques, les moqueries pour lesquelles il n'a que mépris et contre lesquelles il se battra, dût-il lui-même endosser le costume du critique.

Oui, entre la souveraineté de l'écriture et le refus de l'incompréhension, une « invincible mélancolie… ».

Pour Péguy, on le sait, l'écriture procède d'un mouvement par lequel il nous est donné de suivre, mot après mot, « l'écriture se faisant » pour reprendre le titre d'un dialogue que j'ai partagé avec Éric Thiers20. Rien ne lui est plus étranger, dans la prose tout du moins, que l'idée de brouillon. Les différents états d'une phrase sont juxtaposés, s’enchaînent, se précisent au fil du texte. C'est une écriture singulièrement moderne qui restitue dans son labeur, dans sa joie, parfois dans sa douleur, souvent dans une forme d'exaltation l'acte d'écrire, l'acte d'écriture. Si bien que rien ne semble arrêter ce que j'appellerai l’auto engendrement des phrases. Il faudrait d'ailleurs étudier la manière dont ses livres commencent ou s'achèvent. Il n'y a pas d'introduction proprement dite ni de conclusion proprement dite. Les livres se suivent et s'engendrent l'un l'autre. D'où, systématiquement, le fait que le titre d'un livre - ou d'un article – est en décalage avec le contenu, parce que l'acte d'écrire est un enchaînement constant qui ne s'arrête pas, comme on le lit dans Clio. C'est elle qui parle : « Il faut, dit-elle, que la main coure sous la tête, que la plume coure sous la pensée »21. Tout cela est bien connu.

Et pourtant, pour les poèmes appelés « Tapisseries » et pour Ève particulièrement, Péguy rompt, en partie, et même plus qu'en partie, avec cette conception fluide, qui fait que la plume va où elle va, se laisse aller en quelque sorte. D'emblée le Durel en porte témoignage. Péguy y revendique en effet une extrême rigueur dans la composition de l'œuvre, dont on sait qu'elle ne suit en rien la chronologie.

Péguy y revendique d'emblée « Toute la fécondité en un mot, et toute la discipline. Tout le jaillissement et tout l'ordre »22.

Pour ce qui est de l'ordre et de la discipline, il y a dans Ève quatorze parties, que Péguy appelle donc climats. Chacun commence par un vers bien précis et il n'y a jamais de transition entre le vers précédent et celui qui ouvre le climat23.

Péguy nous explique qu'il s'agit du « fameux départ ex abrupto, en falaise, qui donne comme la frappe d'entrée des grandes œuvres classiques ». Et cette explication est suivie d'une déclaration fondamentale : « Péguy se retrouve ici intégralement et tout d'un coup ce qu'il est : un classique »24.

Et Péguy consacre toute la première partie du Durel à expliquer cette composition, cette architecture, que personne n'a vue, n'a comprise, n'a mesurée - alors que lui a pleinement conscience de l'existence de cette structure, au sens propre du terme :

« Ce n'est ni par des graduations, ni par des transitions que l'on obtient le climat du jugement, ou le climat de la chute ou le climat du paradis terrestre, ou le climat du calvaire, ou le climat de la crèche. Chacun de ces climats est créé instantanément par le premier vers de chacun de ces morceaux et ce n'est qu'après, quand on y est que commencent ces graduations, ces échelonnements qui ne servent plus qu'à mesurer des distances intrinsèques »25.

Péguy, commentateur d’Ève, s’acharne à nous dire sa haine des transitions qui ne sont qu’« hésitation », « chancellement »26. Il revendique la « juxtaposition »27. Et le vocabulaire de l'architecture prend une grande place. Péguy revendique pareillement « le joint parfait des pierres obtenu par la seule taille »28. Et il ajoute : « Cette exactitude classique, cette sorte de ponctualité géométrique, cette probité, cette honnêteté (par suite cette totale liberté), cette dureté, cette pureté du classique, pour tout dire cette nudité et pour tout dire encore plus cette pauvreté dans l'ordre de l'intention première, dans l'initiale, dans la première poussée place instantanément l'auteur au cœur de son sujet ». Il prône « cette absence de cimentation, de cimentation artificielle »29, et encore l’« articulation réelle » entre les climats « sans plus de ciment que dans l'architecture antique », «  le joint parfait des pierres obtenu par la seule taille ; nul interstice […] ; le même jaillissement intérieur que dans le Porchenotamment et dans les Innocentset ce resurgementperpétuel retombant en nappes de vers d'une astreinte si rigoureuse qu'elle n'avait jamais été obtenue à ce point.

À propos de ce terme « resurgement », Péguy nous livre (en note) la glose suivante : « Nous désignons par ce néologisme le jaillissement de création propre à Péguy. C'est ce que le critique appelle on ne peut plus improprement répétition. En fait - et pour qui sait lire - il n'y a pas une seule répétition dans l'œuvre du Maître »32.

C'est, à notre connaissance, la seule répartie de Péguy à la critique qui lui est souvent faite et sur laquelle nous allons revenir.

Mais pour en rester à cette rigueur de composition, d'architecture dont se prévaut Péguy s'agissant d'Ève, on voit qu'il tient à se départir de toute idée liée de près ou de loin au romantisme. Il vilipende « le frivole, c'est à dire le romantique » ou encore « l'homme qui a à s'exciter »33. Il se situe à rebours des traditions en vertu desquelles « nulle matière peut-être n'a été autant la proie du romantisme, des détournements romantiques et du ton romantique que le paradis terrestre et la chute. Mais nul poète ne les a aussi violemment que Péguy, et on peut le dire aussi victorieusement, ravis aux ravisseurs et ramenés dans l'obédience »34.

Dans cette œuvre, pour cette œuvre, Péguy se veut résolument, définitivement, imperturbablement classique35 !

Comme l’a lumineusement montré Albert Béguin, les quatorze climats qui se succèdent dans Ève se répondent l'un l'autre36. De la chute au jugement, de Noël au calvaire, des temps antiques au monde moderne, ce qui suivra est déjà présent, cependant que le passé est encore vivant. Mais il ne s'agit, en fait ni de passé ni de présent puisque la succession des climats ne suit nullement - et même défie - la chronologie, et que ce jeu de miroir brouille les cartes du temps. Chaque moment inclut dans son déroulé - au travers d'un quadrain, de plusieurs ou davantage - la réfraction de tous les autres : c'est une architecture en étoile, circulaire, qui ramasse les perspectives, transcende l'écoulement du temps, en une image et un signe du salut qui, toujours, est déjà réalité cependant qu'il s'accomplit encore dans le cours du temps37. On pourrait presque parler d'Ève comme une sorte de prémonition du structuralisme. Mais sans doute Péguy n'eût-il pas manqué de fustiger ce nouveau système au même titre que « ces tableaux fussent de concordance »38, « discours fussent-ils syntaxiques »39.

Ajoutons que les renvois d'un climat à l'autre passent fréquemment par le retour, quelquefois à des centaines de quadrains de distance du même rythme. Il est clair que le rythme fait sens. Nous y reviendrons. Pour ne prendre qu'un seul exemple, on retrouve l'écho des premiers vers :

« Et les bondissements de la biche et du daim »40

plus loin  :

« L’épanouissement d'un monde épanoui »41

et plus loin  :

« Dans le désolement d'une éternelle nuit »42

et toujours plus loin  :

« Et le couronnement d'un bonheur attendu »43

et puis :

« Le vain déversement de vos stériles vœux »44

et encore :

« Et le renfermement d'un immense horizon »45

et puis :

« Le long resurgement de l'homme enseveli »46

et puis :

« Et le roidissement de nos roides genoux »47

« Ou le balancement des vastes moissonneurs »48

Précisons qu'entre les occurrences de ce même rythme, des noms portant le même suffixe aux mêmes places au sein du vers, il y a des centaines ou des milliers de vers.

Ainsi, le 565e quadrain répond au second :

« Les autres n'ont connu que leurs bases fenêtres

Et leur vue encerclée aux murs de l'horizon

Mais vous avez connu la jeunesse de l'être

Et les bondissements du renne et du bison »49

Et l'on retrouve, encore plus loin, la même structure pour mieux représenter l'amertume de la connaissance d'après la chute. C'est encore la reprise, en négatif, des premières pages des quadrains initiaux :

« Et moi je vous salue aïeule insoupçonnée

Les autres sont sans grâce et sans fleuronnement

Et sans procession et sans couronnement

Mais vous avez connu d'être couronnée »50

De même encore dans le climat introduit par « Et Dieu lui-même jeune ensemble qu'éternel »51 une épithète apparaît constamment au premier accent du premier hémistiche du troisième vers :

« Immuable il voyait d'un regard paternel

Passer parmi ses sœurs la saison couronnée »52

« Calme et laissant tomber un regard paternel

Il voyait ce que c'est que l'image de Dieu »53

Et plus tard, dans le climat de la nativité, 3272 verts plus loin, l'éternité de Dieu est tout entière dans les yeux de l'enfant qui regarde l'âne et le bœuf, et cela nous est strictement dit par le retour du rythme et l'apparition d'un adjectif à la même place dans le quadrain que dans ceux que je viens d'évoquer :

« L'enfant levait les yeux vers les énormes yeux

Plus profonds et plus doux que l’énorme océan

Novice, il contemplait dans ce miroir géant

La profondeur des mers et le reflet des cieux »54

Les climats se répondent donc l'un à l'autre. Il y a cependant deux cas particuliers.

Il y a d'abord la « prière pour nous autres charnels » au cœur du poème, introduite par le seul tiret qu'on trouve dans le texte  :

-          Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle55

et qui renvoie elle aussi, par maintes correspondances, à tous les autres climats. Avec cette différence que cette prière est un centre à partir duquel les rythmes, circulaires s’engendrant à perte de vue sont le rassemblement de toutes les prières, de toutes les angoisses, des recueillements, des invectives, des malédictions, des émerveillements devant le Verbe incarné venu entre la première femme présentée comme ensensevelie premier vers56, autre femme dont la cendre charnelle, à l'avant dernier vers du poème « fut dispersée par les vents »57 lancer la parole plénière des Béatitudes qui, en définitive, s'étend aux dimensions du poème.

Autre cas particulier : celui du monde moderne. Ce climat s'étend sur 1916 vers.

Nombre de commentateurs décrivent cette immense « nappe » de vers comme un exercice laborieux, excessif qui déséquilibrerait le poème, une sorte de boursouflure qui serait hors sujet.

Ainsi, Albert Béguin écrit : « Il est difficile […]de ne pas voir que cette partie d’Èveest ouverte à une invasion de fantaisie verbale qui déséquilibre l'ensemble de l'œuvre, et on regrette malgré tout que Péguy se soit laissé prendre à ces jeux étourdissants mais vraiment excessifs au détriment des thèmes plus intérieurs et des contemplations plus graves qu'il a rejetées dans le reliquat de la Suite »58.

On le sait, le climat décline des vers commençant par « Et ce n'est pas », « Ce n'est point », « Ce ne sera pas » etc. dont les rimes rivalisent en lourds vocables que j'ai déjà évoqués («  glyptothèques » «  hypothèques » et aussi « téléphonographes » et « sténologographes »59) par lesquels Péguyy exhibe - quitte à épuiser le dictionnaire des rimes - toute la réalité, qu'il pourfend, dans ce monde moderne.

Et l'on voit bien ce dont rêvait Albert Béguin, même s'il consent quand même à écrire : « Cette mascarade cependant a un sens »60. (Tout est dans le cependant !). Il rêvait d'une Ève idéale encore plus belle, encore plus forte, épargnée de ces 1916 vers arides et râpeux auquel on substituerait des vers admirables, en effet, traitant du charnel et du spirituel, faisant désormais partie des vers non retenus (pour reprendre une expression désormais plus juste que Suite d'Ève61) comme :

« Voici monsieur le corps avec sa jeune dame

Il veut le présenter dans la vieille maison

Elle toujours absente et toujours en prison

Regarde le tison, et le cadre, et la plaine62 »

-et cela d'autant plus que ce quadrain est joliment décliné !

Je voudrais prendre ici le contrepied de ce point de vue largement partagé. Car, à force d'avoir une idée toute faite - thème péguyste - sur ce climat du monde moderne on finit par ne pas le lire vraiment. Or, une lecture attentive de cette partie du poème nous montre qu'il compte 65 quadrains soit 260 vers ! C'est tout sauf négligeable ! J'ai présenté une analyse de la répartition de ces contrepoints qui se raréfient mais se densifient à mesure que le texte avance, ce qui montre que, contrairement à ce qu'on a pu dire et écrire, cette partie du poème est, elle aussi, composée63. Là encore, ces contrepoints renvoient à l'ensemble des autres climats, comme le montrent ces exemples :

« Mais nul n'effacera de nos livres de peine

La trace d'un Paterni celle d'un Ave

Car nul n'effacera de l'écorce du chêne

La trace de tourment qui nous fut réservée64 »

« Advocata nostra, ce que nous chercherons

C’est le recouvrement d'un illustre manteau

Et spes nostra, salve, ce que nous trouverons

C’est la porte d'accès d'un illustre château65 »

« Un autre, une autre clé, faite d'une autre sorte

Nous laissera passer. Un maître de péniche

Un vieux à barbe blanche assis dans une niche

Regarde, et pense encore au lit de la Mer Morte66 »

Mais il faudra venir maintenant à une autre partie du Durel qui théorise ce que nous n'avons cessé d'évoquer et qui présente l'art poétique de Péguy sous la forme d'une tapisserie. Citons cet extrait important, qui synthétise de manière pédagogique et fulgurante à la fois cet art poétique :

« Cette Èvese présente donc comme une immense tapisserie […]Comme dans une tapisserie, les fils passent, disparaissent, reparaissent et les fils ici ne sont pas seulement les rimes, au sens que l'on a toujours donné à ce mot dans la technique du vers, mais ce sont d'innombrables rimes intérieures, assonances, rythmes et articulations de consonnes, tout un immense appareil aussi parfaitement docile que l'appareil du tisserand67 »

En ces quelques lignes, Péguy dit l'essentiel.

D'abord, il présente une conception globale, exhaustive, totalisante de la rime. La rime, ce ne sont pas seulement des syllabes qui s'appellent l'une l'autre à la fin des vers. Non, tout le vers est rime. C'est à la fois le rythme, la syntaxe, les phonèmes, le lexique d'un vers qui entre en correspondance avec un ou d'autres vers. Il y a certes des vers qui reviennent, qui ouvrent des quadrains mais ils sont suivis d'autres vers qui, de quadrain en quadrain, se répondent dans toutes les modalités évoquées - rythme, syntaxe, phonèmes, lexique - si bien que ce qui est essentiel dans cette écriture, ce qui la définit et la constitue, c'est qu'elle est indissociablement horizontale et verticale, syntagmatique et paradigmatique, si l'on veut. J'ai déjà donné des exemples qui sont foison. Ainsi, de quadrain en quadrain (je cite chaque fois un vers situé à la même place du quadrain) :

Le chaste enlacement des saisonsalternées68

L’égal déroulement des saisonsgouvernées69

Le souple enroulement des saisonsdétournées70

Et le recensement des blésrespectueux71

Et le dénombrement des blésaffectueux72

Et le consentement aux lèvres deJudas73

et je peux citer encore juste deux quadrains entiers (il faudrait tout citer) mais où les mêmes résonances apparaissent :

« Et c'est le forcement de cet homme hagard

Et les bourreaux lâches dans les plaines et les bois

Et le dérèglement de cette pauvre voix

Et le désœuvrement de ce pauvre regard74 »

« Ainsi l'enfant dormait sans un mot, sans un pli

Il allait commencer l’énorme inscription

Il allait essayer l’énorme exception

Le long resurgement de l'homme enseveli75 »

Il faut conclure.

Je pense avoir montré toute l'importance de ce texte singulier, lumineux et pathétique, pour comprendre l'art poétique de Péguy.

Ce texte montre à quel point les accusations réitérées quant aux répétitions sont absurdes. Dès lors que l'on est sur les deux axes vertical et horizontal, sur le retour à partir d'un vers « barre d'appui » de toutes les variations d'un même schème, et du retour des mêmes mouvements selon des modalités différentes, c'est exactement comme si, en parlant de répétition, on refusait qu'une symphonie soit une symphonie.

Cette tapisserie s'étend, on l'a dit, sur plus de 7000 - voire 12000 - vers. Il y a des moments où l'on sent le labeur du poète. Parfois le rythme ralentit. Il y a le temps du repos, de la méditation, de la marche, du pèlerinage, un pas après un pas. Péguy écrit de Victor Hugo qu'il donnait au public «  tout ce qu'il produisait : le bon et le mauvais, sachant bien que dans le tas il y (en) avait du très bon76 ». Et même du remplissage. Mais Péguy ajoute aussitôt : « Du remplissage de lui » - et donc du remplissage de qualité supérieure ! Et il ajoute aussi que ce qui apparaît être du remplissage est le lieu de la « sédimentation77 ».

Comment ne pas penser que quand il écrit cela Péguy pense tout autant à lui-même ?

Il y a tant de quadrains et de vers sublimes qui surgissent dans Ève au terme de préparations, de latences, de réminiscences, et de résonances.

Ainsi :

« Ô femme qui fermez les regards bleus et noirs

Et les regards profonds des yeux les plus aimés

Épouse qui fermez sur le dernier des soirs

Le reconnaissement des yeux accoutumés78 »

Ainsi :

« Et dans le sable d'or des vagues nébuleuses

Sept clous articulés découpaient la Grande Ourse79  »

Ainsi :

« Le jour de s'en aller était comme un beau port80 »

Ce fut pour Péguy un labeur éprouvant que d'écrire Ève. Cet immense poème l'habitait. Il ne pouvait le quitter. Il fit cet effort sublime, désespéré pour le faire comprendre, pour le faire partager, pour qu'on l'entende enfin.

C'est un chef-d'œuvre, encore trop méconnu, où dans la profusion des mots, dans l'étonnante force des rythmes, dans les incessants échos qui le traversent, se déploient entre ténèbres et salut, entre souffrance et résurrection, au-delà des temps et de la chronologie, les ombres et les lumières de l'humaine destinée.

Jean-Pierre Sueur

 

 

NOTES

1 – Géraldi Leroy, Charles Péguy, l’Inclassable, Armand Colin, 2014, p. 252

2 – OPC I, p. 517

3 – L’ensemble des informations et citations figurent dans le livre de Géraldi Leroy, op. cit., p. 257

4 – Frantisek Laichter, Péguy et les Cahiers de la Quinzaine, éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, Paris, 1985, p. 266

5 – Albert Béguin, L’Èvede Péguy, Cahiers de l’Amitié Charles Péguy, Labergerie, 1948, p. 273

6 – Cité par Albert Béguin, op. cit., p. 276

7 – Frantisek Laichter écrit que « Dans les salons littéraires, on riait, à en croire Daniel Halévy, des interminables litanies de Péguy », op. cit., p. 266.

8 – Albert Béguin, op. cit., p. 205

9 – Albert Béguin, op. cit., p. 204

10 – Albert Béguin, op. cit., p. 157

11 – Albert Béguin, op. cit., p. 6

12 – Frantisek Laichter, op. cit., p. 264

13 – OPD, p. 1518. Il y a des variantes : « depuis trois siècles » et « depuis le quatorzième siècle »

14 – OPD, p. 1522-1523

15 – OPD, p. 1537

16 – OPD, p. 1537. La dernière phrase qui est l’ultime phrase du texte est en caractère gras.

17 – OPD, p. 1293-1294

18 – OPD, p. 1329, 1337 et 1367

19 – OPC III, p. 1103

20 – « Péguy ou l’écriture se faisant », dialogue entre Jean-Pierre Sueur et Éric Thiers, ACP n° 175, p. 235-248

21 – OPC III, p. 1103

22 – OPD, p. 1519

23 – Voir la liste des 14 vers d’entrée dans Jean-Pierre Sueur, Charles Péguy ou les vertiges de l’écriture, éditions du Cerf, 2021, p. 157

24 – OPD, p. 1520

25 – OPD, p. 1523

26 – OPD, p. 1523

27 – OPD, p. 1521

28 – OPD, p. 1518

29 – OPD, p. 1520

30 – OPD, p. 1518

31 – OPD, p. 1518-1519

32 – OPD, p. 1518-1519

33 – OPD, p. 1521

34 – OPD, p. 1521

35 – Même si Jean Onimus n’y croit pas. Il écrit ainsi dans son ouvrage L’image dans l’Èvede Péguy, Cahiers de l’Amitié Charles Péguy, Paris, 1952 : « Malgré les prétentions et les désirs de l’auteur, ce n’est aucunement une œuvre classique : c’est même le type de l’œuvre romantique où le poète n’est point arrivé à dominer le chaos de sa verve lyrique, où les éclairs du génie, comme dirait Diderot, brillent dans les ténèbres ».

36 – Albert Béguin, op. cit.

37 – J’ai longuement décrit ces références, ces appels et rappels, de climat en climat, dans mon livre, op. cit., p. 105 à 201

38 – OPD, p. 1338

39 – OPD, p. 1334

40 – OPD, p. 1177

41 – OPD, p. 1182

42 – OPD, p. 1202

43 – OPD, p. 1234

44 – OPD, p. 1238

45 – OPD, p. 1242

46 – OPD, p. 1300

47 – OPD, p. 1326

48 – OPD, p. 1391

49 – OPD, p. 1242

50 – OPD, p. 1250

51 – OPD, p. 1180

52 – OPD, p. 1181

53 – OPD, p. 1181

54 – OPD, p. 1284

55 – OPD, p. 1263

56 – OPD, p. 1177

57 – OPD, p. 1397

58 – Albert Béguin, op. cit., p. 157

59 – OPD, p. 1367

60 – Albert Béguin, op. cit., p. 161

61 – C’est l’appellation retenue dans OPD

62 – OPD, p. 1475

63 – Jean-Pierre Sueur, op. cit., p. 187 à 201

64 – OPD, p. 1331

65 – OPD, p. 1336

66 – OPD, p. 1348

67 – OPD, p. 1535-1536

68 – OPD, p. 1179

69 – OPD, p. 1179

70 – OPD, p. 1179

71 – OPD, p. 1189

72 – OPD, p. 1190

73 – OPD, p. 1196

74 – OPD, p. 1269

75 – OPD, p. 1300

76 – OPC III, p. 272-273

77 – OPC III, p. 261

78 – OPD, p. 1225

79 – OPD, p. 1178

80 – OPD, p. 1180

 

Charles Péguy ou les vertiges de l'écriture, éditions du Cerf, Paris, 2021

 

 

 Les articles de Jean-Pierre Sueur

Les rythmes d'Ève Amitié Charles-Péguy 01/04/1983
Pour une poétique d'Ève
Amitié Charles-Péguy
n°36
01/10/1986
(en collaboration avec Julie Sabiani)
Amitié Charles-Péguy
n°49
01/01/1990
(en collaboration avec Julie Sabiani)
Amitié Charles-Péguy
n°54 - colloque
01/04/1991
(en collaboration avec Julie Sabiani)
Amitié Charles-Péguy
n°63
01/07/1993
L'écriture poétique dans la première "Jeanne d'Arc" de Charles Péguy Mémoires de l'Académie d'Orléans - 1998 01/01/1998
Une relecture de "Notre jeunesse" Le Porche n°3 01/01/1998
La première Jeanne d'Arc, Genèse d'une écriture
Amitié Charles-Péguy
n°82 - Colloque
01/04/1998
Un débat difficile
Le Porche n°8
Colloque
01/12/2001
Ce que disait Clio
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n°100
01/10/2002
Ève, les vertiges de l'écriture Colloque  03/12/2006
Ève, le monde moderne et l'art en contrepoint Péguy au coeur  2011
Charles Péguy et l’acte poétique Colloque 06/12/2013
Ramuz, lecteur de Péguy Les Amis de Ramuz, n°35 03/2015
Dictionnaire Charles Péguy, sous la direction de Salomon Malka : "Jaurès", "Poésie", "Socialisme" Edtions Albin Michel 2018
Ramuz, lecteur de Péguy Les Amis de Ramuz, n°35 03/2015
Avant-propos de La Loire de Charles Péguy Editions La Guêpine 092022
Péguy est-il illisible ?
Renaissance de Fleury
 
12/2022
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Quand Charles Péguy nous parle des épidémies   21/12/2020

 

 

Article paru dans le numéro de décembre 2022 de la revue La renaissance de Fleury
 
Péguy est-il illisible ? À ceux qui poseraient cette question singulière, je répondrais immédiatement que le fait même qu’ils la posent… démontre qu’ils ne l’ont pas lu ! Car est-il, justement, un écrivain plus lisible que Charles Péguy ?
Ouvrons pour commencer Les Mystères publiés à la fin de sa trop courte vie, entre les années 1910 et 1913 – et dont le premier reprend en partie la première Jeanne d’Arc parue en 1897.
Lisons – c’est un exemple entre cent ou mille autres – la description de la Nuit à laquelle s’adresse son Créateur dans Le Porche du mystère de la deuxième vertu :
 
« Nuit, tu es la seule qui panses les blessures
Les cœurs endoloris. Tout démanchés.
Tout démembrés.
Ô ma fille aux yeux noirs […]
Ô ma nuit étoilée, je t’ai créée la première
Toi qui endors, qui ensevelis déjà
Dans une Ombre éternelle
Toutes mes créatures.
Les plus inquiètes, le cheval fougueux,
La fourmi laborieuse
Et l’homme, ce monstre d’inquiétude. »[1]
 
Dans ce texte, et tant d’autres, nulle obscurité – si ce n’est celle de la Nuit, dotée cependant de belles clartés. Est-il une littérature moins limpide, moins fluide que celle-là ?
Ce qui caractérise cette écriture c’est sa transparence. Nul apprêt. Le sentiment que les mots coulent de source. Nulle figure qui viendrait orner pesamment le cours du texte, comme d’inutiles et de surabondantes fioritures. Une rhétorique de la simplicité, qui semble l’inverse de la rhétorique. Nombre de figures de style, de comparaisons et de métaphores cependant, mais apparaissant de manière très naturelle.
Qu’on ne s’y trompe pourtant pas. Cela a demandé à l’écrivain beaucoup de temps, de marches inspirées dans Paris ou la campagne, de réflexions – en un mot de travail !
Pour certains, cette écriture aurait finalement le tort d’être trop transparente, et de souffrir de mièvrerie, comme d’anciens catéchismes.
Mais, là encore, quelle erreur !
C’est le contraire d’une littérature infantilisante.
Les rapports de Péguy à la foi furent – on le sait – complexes. Ce serait une erreur, trop souvent faite, hélas, que de voir en lui, y compris quand il revient à une foi qu’il a délaissée, un simple fidéiste.
Non, il y a dans l’Église des choses qui le révulsent. Et il y a dans la religion de sublimes raisons de croire, auxquelles il adhère. Il y a aussi des réalités qu’il ne comprend pas et qui le révoltent. Ainsi le Mal. La petite Jeanne d’Arc ne peut accepter qu’il y ait des damnés. Elle considère que c’est un scandale. Cette question travaillera, torturera Peguy.
Jeanne se propose de se donner tout entière pour « sauver les damnés ». Et Madame Gervaise lui répond avec une totale brutalité :
 
« Taisez-vous ma sœur : vous avez blasphémé.
Car si le fils de l’homme, à son heure suprême
Clama plus qu’un damné l’épouvantable angoisse
Clameur qui sonna faux comme un divin blasphème
 
C’est que le Fils de Dieu savait que la souffrance
Du fils de l’homme est vaine à sauver les damnés.
Et s’affolant plus qu’eux de la désespérance,
Jésus mourant pleura sur les abandonnés. »[2]
 
On le voit : nulle mièvrerie – pas plus que dans le récit de la Passion que Péguy décrit avec un total, un absolu, réalisme :
 
« Sa gorge lui faisait mal.
Qui lui cuisait.
Qui lui brûlait.
Qui lui déchirait.
Sa gorge sèche et qui avait soif.
Son gosier sec.
Son gosier qui avait soif.
Sa main gauche qui brûlait.
Et sa main droite.
Son pied gauche qui lui brûlait.
Et son pied droit.
Parce que sa main gauche était percée.
Et sa main droite.
Et son pied gauche était percé.
Et son pied droit.
Tous ses quatre membres.
Et son flanc qui lui brûlait.
Son flanc percé.
Son cœur percé.
Et son cœur qui lui brûlait.
Et son cœur consumé d’amour.
Son cœur dévoré d’amour. […]
 
Et c’est alors qu’il sut la souffrance infinie
C’est alors qu’il connut, c’est alors qu’il apprit
C’est alors qu’il sentit l’infinie agonie
Et cria comme un fou l’épouvantable angoisse. 
Clameur dont chancela Marie encor debout »[3]
 
Mais, nous dira-t-on, tous les textes de Péguy ne procèdent pas du même réalisme, de la même transparence que Les Mystères. Et il est vrai que l’écriture de Péguy relève de plusieurs registres, même si, on le verra, tout s’enchaîne et si les uns préparent les autres.
Ainsi, dans les multiples textes en prose qu’il a publiés dans Les Cahiers de la Quinzaine créés par Péguy en 1900 pour « dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, dire bêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité ennuyeuse, tristement la vérité triste »4, qui relèvent à la fois du journalisme et de la réflexion philosophique, politique, religieuse, de l’étude de mœurs, de la description, de la dénonciation, de la diatribe, de l’admonestation, de l’invocation, Péguy se met constamment en scène. Il ne triche pas. Il est lui-même.
Et ce qui frappe, au-delà de la très grande diversité des écrits et des sujets traités, c’est une tendance qui culminera, avec le temps, dans ses dernières œuvres en prose et œuvres posthumes, en vertu de laquelle le mouvement de la pensée et le mouvement de l’écriture font un, sont un. Il théorise cela dans l’un de ses ouvrages intitulé Clio : « Un texte devient illisible aussitôt que nous avons l’impression que la main attend après la tête, que la plume attend la pensée »5. Et quand il est emporté, entraîné dans le mouvement de l’écriture, il ne s’arrête pas, il continue, il va jusqu’au bout « comme un cheval qu’on crève. »6
Cela a une conséquence. C’est que Péguy nous offre, nous restitue l’écriture s’écrivant7. Il n’y a pas de brouillon, pas de premier état du texte avant le deuxième ou le troisième (même si l’étude des manuscrits montre qu’il peut aussi peaufiner ses œuvres).
C’est une conception, à certains égards, moderne de l’écriture. La conséquence, c’est qu’il faut se laisser entraîner, se laisser emporter par une prose qui est premier jet, quitte à revenir ensuite sur elle-même, à s’écarter du premier mouvement, à y revenir, pour aller plus loin, et ainsi de suite. Alors, si l’on accepte ce postulat, oui, Péguy est lisible, encore et toujours plus lisible.
Prenons, presque au hasard, son livre sur Victor Hugo – Victor-Marie, comte Hugo8 – dans lequel Péguy parle de Victor Hugo, mais surtout de lui-même – sans le dire. On y lit, s’agissant de l’une des strophes de Booz endormi9 que nous sommes« dans ce sédiment, dans ce grand limon, et Ruth se demandait, en fin de strophe, annonçant la strophe décisive, la strophe coronale, l’isolant, la coupant aussi, la laissant suspendue, en suspens, suspendue sur notre tête comme une montagne carrée… »10 Il faudrait tout citer, mais on ne le peut pas. Car tout s’enchaîne. Péguy écrit que la même strophe est « lançante ». Et qu’elle nous mène à ces vers sublimes :
« Quel dieu, quel moissonneur d’un éternel été
Avait en s’en allant négligemment jeté
Cette faucille d’or dans le champ des étoiles. »11
 
Péguy explique magnifiquement combien, de vers en vers, avec même des vers « de remplissage »
- mais du remplissage « de lui » dit-il12 –, le mouvement se cristallise en des formules lapidaires.
… Mais Péguy parle de lui ! Il suffit de le lire, de se laisser entraîner par le flux de son écriture pour trouver, par exemple dans Notre Jeunesse, cette phrase qui restera dans les mémoires : « Tout commence en mystique et finit en politique. » Et on lit un peu plus loin : « L’essentiel est que dans chaque ordre, dans chaque système, la mystique ne soit point dévorée par la politique à laquelle elle a donné naissance. »13
Et il faut pareillement se plonger dans les œuvres en vers dont on peut penser qu’elles ont été préparées par les œuvres en prose qui les ont précédées (ou ont été publiées concomitamment).
Le principe est le même. Le mouvement de la pensée et celui de l’écriture sont indissociables.
Certes, il y a les règles de la versification. Mais à ceux qui y verraient des contraintes, je répondrai plutôt que ces mêmes règles (auxquelles s’apparentait celle des trois unités) n’ont pas empêché Corneille ni Racine d’écrire leurs chefs-d’œuvre. J’ajouterai même : au contraire. Ainsi, s’agissant de poèmes célèbres comme la Présentation de la Beauce à Notre-Dame de Paris :
« Étoile de la mer, voici la lourde nappe
Et la profonde houle et l’océan des blés
Et la mouvante écume et nos greniers comblés […]
 
Étoile du matin, inaccessible reine
Voici que nous marchons vers notre votre illustre cour
Et voici le plateau de notre pauvre amour.
Et voici l’océan de notre immense peine. »14
 
ou s’agissant de cette immense épopée intituléeÈve, chef-d’œuvre méconnu :
« Ô mère ensevelie lors du premier jardin
Vous n’avez plus connu ce climat de la grâce
Et la vasque et la source et la haute terrasse
Et le premier soleil sur le premier matin.
 
Et les bondissements de la biche et du daim
Nouant et dénouant leur course fraternelle
Et courant et sautant et s’arrêtant soudain
Pour mieux commémorer leur vigueur éternelle. »15
 
Le cadre rythmique, mais aussi syntaxique, est pleinement magnifié par Péguy qui nous explique, s’agissant d’Ève, dans un commentaire lumineux16, que ce poème procède de l’art de la tapisserie. Il est à l’entrecroisement d’une lecture horizontale, linéaire, et d’une lecture verticale où les mots changeants situés aux mêmes places, de vers en vers, composent une autre syntaxe et, partant, d’autres significations. C’est aussi, si l’on veut, une symphonie.17
 Et là encore s’agissant toujours d’Ève, œuvre - indissociablement- lyrique, épique et satirique, œuvre circulaire, dont l’objet est l’histoire de l’humanité et du Salut, défiant la chronologie, comme les idées toutes faites, il faut se laisser entraîner, envahir, faire corps avec la force de la création littéraire. Mais qui dira, dès lors qu’on laisse le mouvement, la respiration, les rythmes, les scansions propres du poème nous guider et nous emporter, que ce n’est pas lisible ?
Restent les quatrains :
« Cœur qui a tant battu
D’amour et de haine
Cœur qui ne battra plus
De tant de peine. »18
 
poèmes lyriques, poèmes d’amour et de doute que Péguy nous a laissés, chaque strophe sur une page différente, si bien qu’on n’est pas sûr de l’ordre dans lequel il faudrait les lire19, qui, une fois encore, défient le commentaire. Il suffit, à nouveau, de se laisser entraîner : ce sont les poèmes d’un cœur qui a tant battu.
Au total, victime de récupérations successives, de malentendus, d’idées toutes faites (Péguy écrivait : « Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise pensée, c’est d’avoir une pensée toute faite »20), la rumeur selon laquelle  Péguy serait illisible a pu prospérer. Mais comme toutes les rumeurs, celle-là n’est pas la vérité, elle est même le contraire de la vérité ! J’espère vous en avoir persuadé. Et si vous ne l’étiez pas encore, je me permets un conseil : lisez-le !
Jean-Pierre Sueur
 

[1] Charles Péguy, Œuvres poétiques et dramatiques (désormais OPD), Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, p. 764.
[2] OPD, p. 117 et 464
[3] OPD, p. 472, 473 et 523
4  Charles Péguy, Œuvres en Prose Complètes (désormais OPC), Bibliothèque de la Pléiade, éd. Gallimard ; p. 291-292
5  OPC III, p.  1102
6  OPC III, p. 1103
7  Voir à ce sujet le dialogue entre Jean-Pierre Sueur et Éric Thiers, Amitié Charles Péguy, n° 175, juillet-septembre 2021, p. 235 à 248
8  OPC III, p. 161 à 345
9  Victor Hugo, La légende des siècles, D’Ève à Jésus, VI
10  OPC III, p. 261-262
11  Victor Hugo, ibid.
12  OPC III, p. 261
13  OPC III, p. 20
14  OPD, p. 1139-1140
15  OPD, p. 1177
16  OPD, p. 1518 à 1537
17  Sur Ève, tapisserie et symphonie, voir Jean-Pierre Sueur : Charles Péguy ou les vertiges de l’écriture, éd. du Cerf, 2021, p. 102 à 201
18  OPD, p. 955
19 Voir Julie Sabiani : La Ballade du cœur, poème inédit de Charles Péguy, éd. Klincksiek, 1973
20 Note conjointe sur M. Descartes, OCP III, p. 1278 à 1477

 

Jean-Pierre Sueur a publié aux éditions « La guêpine » un texte méconnu, et pourtant « fabuleux », de Charles Péguy sur la Loire. Ce texte est précédé, dans cette édition, d’un avant-propos de Jean-Pierre Sueur, qui en souligne toute l’importance.
Cette description de la Loire et de sa vallée qui s’étend à ses châteaux et aux poètes qui l’ont chantée est l’épilogue d’un long article publié en 1907 dans Les Cahiers de la quinzaine sous le titre – « peu porteur », écrit Jean-Pierre Sueur, « De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne devant les accidents de la gloire temporelle » – et repris entre les deux guerres avec d’autres textes sous le titre « Situations » dans une édition aujourd’hui introuvable.
Jean-Pierre Sueur écrit que Charles Péguy y décrit la Loire « en une écriture emphatique qui transporte et emporte ceux qui acceptent de se laisser emporter et de partager avec lui, au-delà des convenances de la rhétorique, les labeurs, les souffles, les grandeurs et les fulgurances de l’écriture. »
 
 

Jean-Pierre Sueur a publié en mai 2021 un livre intitulé Charles Péguy ou les vertiges de l’écriture entièrement consacré à l’écriture de Charles Péguy, une écriture sans pareille, « vertigineuse », indissociable de sa pensée, une écriture qui est « sa vie même. »
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Ce livre est publié aux éditions du Cerf (256 pages, 22 €) et sera en librairie à partir du 12 mai

Nous sommes en mesure de présenter en vidéo l’intégralité du débat sur « Péguy et la critique du monde moderne » qui a eu lieu le 13 septembre 2014 à Orléans entre Yann Moix, était animé par Pierre-Édouard Deldique (durée : 1 h 47).

 >> Voir la vidéo

 

Article paru dans le 100e numéro de la revue de L'Amitié Charles Péguy (octobre-décembre 2002)

Le Porche n°8, 1er décembre 2001

Aimez-vous Orléans, page 256-257

 

L'avouerai-je ? L'un de mes plus difficiles débats politiques eut lieu lors de la première réunion du conseil d'administration du lycée orléanais, nouvellement construit, qui devait s'appeler : « Lycée Charles-Péguy ». L'ordre du jour portait précisément sur la dénomination du lycée. Je dus batailler ferme devant les réticences de la plupart des représentants des parents d'élèves, des élèves, et même d'une partie de ceux des enseignants, pour obtenir finalement qu'une faible majorité se prononçât en faveur de notre grand poète. Certains des arguments invoqués étaient étonnants : Péguy, on ne connaissait pas, ou peu ; ce n'était pas moderne, c'était ancien, vieux, peu porteur. Tout cela était dit, répété, dans un établissement de l'enseignement public, à Orléans. Si le vote n'avait pas, en définitive, été positif –merci à celles et à ceux qui l'ont permis ! – j'aurais fait, je crois, une polémique publique. Vieux, Charles Péguy ? Sa pensée n'avait jamais été aussi actuelle qu'en cette fin du XXe siècle - cette pensée qui conteste tous les systèmes, qui fait un sort à tous les modernismes, qui prévoit et dénonce déjà tous les totalitarismes... Pas connu, Péguy ? Peut-être, en effet... A Orléans, pourtant, plus qu'ailleurs, nous avons des raisons de nous donner le mal et la joie de connaître son œuvre immense et de tordre le cou à la malédiction : « Et les siens ne l'ont pas reconnu... » Je songeais à cela en relisant les textes des communications au colloque organisé, en 1996, à Saint-Pétersbourg, par le Centre Jeanne d'Arc-Charles Péguy de cette ville. Je me suis souvenu avoir entendu, lors de ce colloque, des professeurs russes qui n'avaient pas hésité à faire des centaines de kilomètres, depuis le plus profond de ce vaste pays, dans des conditions souvent difficiles, pour venir nous parler des Cahiers de la Quinzaine. Ce colloque était passionné, passionnant. Les exposés traitaient des formes, du sens et de l'histoire. C'était ma première visite à Saint-Pétersbourg. La ville semblait constituer un monde, à elle seule. Son fleuve était un océan. Ses palais ouvraient sur le ciel blanc leurs longs alignements. Les places étaient nombreuses et vastes, peuplées d'arbres d'automne et de statues. Au-delà il y avait des centaines d'immeubles, composant d'interminables banlieues. À l'intérieur de ces immeubles, nous étions accueillis avec une incomparable chaleur. Il y avait l'amitié et les fleurs. C'était le temps où tout changeait. L'ordre ancien était partout encore. Les espoirs neufs étaient inscrits sur les visages, les déceptions aussi. Les mafias avaient débarqué avec leur richesse et leur morgue tonitruante. Des enseignants, des universitaires s'employaient à bâtir, avec une rare ténacité, un autre futur en attendant des salaires qui n'arrivaient pas. Il y avait un vent sec et une lumière diaphane. Tous les participants au colloque partageaient, au milieu de tout cela, la même ferveur. Nous sommes devenus, souvent, trop repus, indifférents et cyniques. Alors, Péguy, trop vieux ? J'aimerais que nous nous souvenions, à Orléans, qu'il y a des péguystes qui n'hésitent pas à prendre le transsibérien pour venir nous parler de vers que nous avons oubliés.

Jean-Pierre Sueur

Texte paru dans le numéro 8 de la revue "Le Porche" de l'Association du Centre Jeanne d'Arc - Charles Péguy de Saint-Pétersbourg, qui contient les actes du Colloque d'Orléans qui s'est tenu les 11 et 12 mai 2001.

Le texte de Jean-Pierre Sueur constitue l'indroduction au colloque.

Article paru dans le numéro 82 de "L'Amitié Charles Péguy" (avril-juin 1998) consacré au colloque international organisé à l'occasion du Centenaire de la "Jeanne d'Arc" de Péguy (1897-1997).

Article paru dans le numéro 3 de "Le Porche", bulletin de l'association des Amis du Centre Jeanne d'Arc Charles-Péguy de Saint-Péterbourg.

Article paru dans les Mémoires 1998 de l'Académie d'Orléans (VIe série, tome 7), paru en 2000.

Il s'agit d'une nouvelle version de "La première Jeanne d'Arc, génèse d'un écriture" ("L'Amitié Charles Péguy" n°82)

Article paru dans le numéro 54 du bulletin d'information et de recherches de "L'Amitié Charles Péguy".

L'article fait le bilan d'un colloque sur 'Péguy et Orléans" qui s'est tenu à Orléans le 6 avril 1991.

Article paru dans le numéro 36 de "L'Amitié Charles Péguy".

Article paru dans le numéro 22 du bulletin d'informations et de recherches de "L'Amitié Charles Péguy".