Il faut soutenir les Éditions Infimes. Celles-ci ont été créées à Orléans par une équipe d'enseignants et intellectuels qui éditent des livres de qualité dans les domaines de l'histoire, de la littérature et de la jeunesse (voir leurs coordonnées ci-dessous). Ces éditions ont eu l'heureuse idée de publier un livre très précis, documenté, et dont la lecture est à la fois passionnante et éclairante, sur Pierre Mendès France.
L'auteur, Françoise Chapron, commence son ouvrage en rappelant une durée singulière : "7 mois et 17 jours". C'est durant cette bien courte - bien trop courte - période que Pierre Mendès France a gouverné la France, en tant que président du Conseil. Et pourtant, ces "7 mois et 17 jours" auront profondément marqué notre histoire - et surtout auront laissé le souvenir d'une "manière de gouverner", vraie, authentique, réaliste et ambitieuse à la fois qui restera - et reste encore - un modèle.
Le bilan se passe de commentaires. Entre le 18 juin 1954 et le 5 février 1955, Pierre Mendès France aura mis fin à la guerre d'Indochine, donné l'autonomie à la Tunisie (où sa mémoire est toujours célébrée), "levé l'hypothèque" de la Communauté européenne de Défense, œuvré de manière décisive pour la recherche scientifique, mené une politique économique rigoureuse et maîtrisée - et, de surcroît, il aura expliqué chaque semaine aux Français à la rado la politique menée, ne masquant ni les réussites, ni les échecs, ni les déceptions. C'est ce rapport à la vérité qui reste dans les mémoires.
Homme de conviction, Piere Mendès France n'hésitait pas à prendre ses responsabilités. Alors qu'il était le plus jeune député de France, il fut le seul et unique parlementaire à s'opposer aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936. De même, on se souvient de son action acharnée contre le privilège des bouilleurs de cru - menée au nom de la santé publique - qui fut violemment combattue et contribua avec "les intérêts des gros coloniaux en Algérie" à la mise en échec de son gouvernement le 5 février 1955, alors que Pierre Mendès France annonce à l'Assemblée Nationale que "ce qui a été mis en marche dans le pays ne s'arrêtera pas".
Le grand mérite du livre de Françoise Chapron tient à ce qu'il nous fait vivre les combats menés par Pierre Mendès France pour s'implanter dans le département de l'Eure.
Élu de justesse député radical socialiste de l'Eure, il aura dû affronter, comme Jean Zay dans le Loiret, une campagne antisémite. Il aura, comme lui, présenté un programme de justice, mais aussi un programme de "rigueur budgétaire". Pour lui, l'une n'allait pas sans l'autre. Il serait - toujours comme Jean Zay - élu au second tour, en dépit du maintien du candidat communiste.
Ses principes de solidarité et de rigueur dans la gestion - rigueur au service de la solidarité - il les mettra également en œuvre dans l'exercice de ses mandats locaux de maire de Louviers et de président du Conseil général de l'Eure.
A la lecture du livre de Françoise Chapron, on mesure combien son expérience locale a nourri sa politique nationale, et combien il y avait de cohérence entre l'une et l'autre.
On mesure aussi combien "PMF" fut un grand européen - il avait publié, à 23 ans, une "Contribution pour les Etats Unis d'Europe" -, et aussi un expert des questions économiques, respecté au plan international.
Il était d'abord un républicain, attaché à la modernisation des institutions républicaines - ce dont témoigne son livre paru en 1962 et qui reste une référence - comme ses "7 mois et 17 jours" de gouvernement restent une référence.
Michel Rocard a écrit au lendemain de sa mort - comme le rappelle Françoise Chapron - que "Son message de droiture morale et d'intégrité intellectuelle" se résume dans ces lignes : "Toute action n'est pas vaine, toute politique n'est pas impure".
Jean-Pierre Sueur.
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