La barbarie – y a-t-il un autre mot ? – a encore frappé notre pays. Et nul ne peut dire que nous ne connaîtrons pas d’autres tentatives d’actes terroristes. On peut plutôt craindre le contraire. On doit en tout cas s’y attendre, à la République, doivent être profondément et durablement unis pour défendre nos valeurs les plus profondes, ce qui nous rassemble au-delà de tout. Nous le devons aux 129 victimes, à leurs proches, aux centaines de blessés, à tous ceux qui se sont mobilisés dans la même tristesse et la même émotion.
Nous le devons à tous ceux qui, de par le monde, nous ont dit par mille messages, ou en illuminant de tricolore leurs monuments et leurs symboles les plus chers, combien ils aiment la France, combien la France – et tout ce qu’elle représente – comptait pour eux.
On me permettra d’ajouter que François Hollande – qui a beaucoup de cran dans ce nouveau moment dramatique – fait tout ce qui dépend de lui pour conforter cette si nécessaire unité nationale.
L’unité n’interdit ni les analyses, ni les propositions, ni les débats.
La plus grande victoire des terroristes serait d’ailleurs de nous conduire à renoncer à nos libertés. C’est pourquoi il est juste que la COP 21 comme les élections régionales soient maintenues aux dates prévues.
Ce serait, en effet, donner une odieuse victoire aux terroristes que de renoncer, de leur fait, à l’organisation d’élections libres dans un pays libre ou d’une conférence rassemblant les principaux dirigeants du monde et portant sur des enjeux qui concernent l’humanité tout entière.
Je salue l’action, admirable, des personnels de la police, du RAID, du GIGN, de la sécurité civile, des hôpitaux. Ils ont montré combien, dans ce malheur, nombre de nos compatriotes savaient faire preuve de résistance, de courage, d’abnégation et de solidarité.
Les services de renseignement ont vu leurs personnels renforcés, leurs moyens accrus. Une loi – et même plusieurs lois – ont défini le cadre de leurs interventions : cela n’existait pas auparavant. Ces lois ont eu pour objet – je m’en suis souvent expliqué – de donner à ces services les moyens d’agir face aux menaces dont nul ne peut ignorer ni sous-estimer la gravité dans le respect des libertés, de la vie privée et des données personnelles auxquelles nous tenons tous – ce qui suppose une instance de contrôle qui existe désormais et dont les prérogatives sont garanties par la loi.
Nous sommes en guerre. Ce qui s’est passé vendredi est une action de commando préparée depuis l’étranger, dont l’objectif était de tuer le maximum d’êtres humains – simplement parce qu’ils vivaient en France.
Dans cette guerre, le rôle du renseignement est essentiel. Les donneurs d’ordre de Daesh ont des moyens puissants, y compris en terme de cryptage et de décryptement. Nos services doivent avoir les moyens les plus efficaces en ces domaines techniques pour prévenir les massacres et interpeller ceux qui les fomentent.
Cette guerre appelle une grande vigilance et des contrôles en de nombreux lieux. Ce sera contraignant, mais c’est indispensable.
Elle appelle que nous luttions pour prévenir, empêcher et combattre la radicalisation de nos jeunes, tout particulièrement. Le rapport que j’ai présenté au nom de la commission d’enquête du Sénat compte nombre de propositions concrètes à cet égard. Beaucoup sont d’ores et déjà mises en œuvre.
Les deux principaux vecteurs de radicalisation sont l’Internet et les prisons. Je sais que des dispositions sont prises dans ce domaine. Elles doivent être confortées.
S’agissant des jeunes victimes d’odieuses propagandes qui les conduisent à des œuvres de mort, il faut savoir détecter les signes de cette radicalisation. Les cellules de veille sont précieuses. Il faut aussi parler directement aux jeunes concernés : quand une personne est en train de se noyer, on doit lui tendre la main.
Nous devons faire face. Avec ténacité. Avec vigilance. Dans l’unité. Il s’agit, une fois encore, de défendre la République et le droit de chacune et chacun de vivre en paix et dans la liberté.
Jean-Pierre Sueur
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