> Lire l'article de Marc Leplongeon, Le Point du 8 janvier 2016.
Conjointement avec ma collègue et amie députée Valérie Corre, j’ai dit que je ne pourrai pas voter en l’état le texte qui nous est proposé au sujet de la déchéance de nationalité.
Il ne s’agit en aucun cas pour moi de mettre en cause la nécessité de sanctions très lourdes à l’égard des auteurs des actes barbares qui ont ensanglanté la France, et de leurs complices.
C’est d’ailleurs pourquoi, avec d’autres, je proposerai une autre disposition.
Il s’agit, pour moi, de refuser une mesure symbolique qui n’a pas d’effet ni d’efficacité : lorsqu’un être humain en vient à commettre l’un de ces actes monstrueux en sachant qu’il perdra la vie – et en choisissant de perdre la vie – en le commettant, il est clair que les menaces relatives à la nationalité ne sont pas de nature à l’empêcher d’agir.
Appliquée aux seuls binationaux, cette mesure aurait pour effet de remettre en cause le droit du sol qui, depuis la Révolution française, est l’un des principes les plus sacrés qui fondent notre République. Or, faut-il sacrifier l’un des principes essentiels de la République pour une mesure qui n’aura pas d’effet, puisque ceux qui la soutiennent conviennent qu’elle est symbolique ?
Les symboles, certes, ont une importance. Mais les témoignages abondent venant de nos compatriotes binationaux – il y en a plusieurs millions – qui y voient une discrimination - en raison du fait que les terroristes qui auraient la seule nationalité française en seraient exempts.
Autre argument : si l’Algérie, la Tunisie et le Maroc - par exemple - adoptaient une mesure similaire pour leurs habitants possédant aussi la nationalité française, nous pourrions nous retrouver dans l’obligation d’accueillir des terroristes issus de ces pays et qui se trouveraient déchus de la nationalité liée à ces pays.
Je rappelle que des conventions internationales qui engagent la France proscrivent le fait que des personnes deviennent apatrides.
Comme un grand nombre de Français, j’ai écouté avec beaucoup d’attention le message de François Hollande, président de la République, le 31 décembre à 20h.
Au cours de son allocution, il a réitéré sa proposition relative à la déchéance de nationalité. Il a cependant ajouté : « Il revient désormais au Parlement de prendre ses responsabilités. Le débat est légitime. Il doit avoir lieu ».
Il y a là une marque – et un signe – d’ouverture à l’égard du Parlement.
Comme l’ont justement écrit Bastien Bonnefous et Thomas Wieder dans « Le Monde » du 2 janvier, François Hollande s’est, par ces propos, « mis à l’écart d’une polémique » et s’est placé « dans une position d’arbitre plutôt que d’avocat ».
Pour répondre à la question posée, une autre solution existe, que je soutiens pour ma part.
Il s’agit de « l’indignité nationale ». Celle-ci a été décidée en 1944 par René Cassin, qui a expliqué devant l’assemblée consultative provisoire les raisons pour lesquelles il avait préféré « l’indignité nationale » à « la déchéance nationale ». On lira ci-dessous son intervention. Je remercie mon ami Antoine Prost de l’avoir retrouvée ainsi que le texte énumérant les effets de cette « indignité nationale » qu’on lira également ci-dessous.
Cette indignité nationale a été validée par la Résistance – dans un contexte certes différent de celui que nous connaissons aujourd’hui.
Cette notion a été proposée, entre autres, par Jean-Pierre Mignard, Anne Hidalgo et Nathalie Kosciusko-Morizet -on lira son texte ci-dessous. Elle répond aux préoccupations exposées par mon ami Dominique Raimbourg, vice-président de la commission des Lois de l’Assemblée Nationale, même si celui-ci ne reprend pas formellement cette disposition. On lira également son texte ci-dessous.
Le grand avantage que présenterait pour moi l’« indignité nationale » par rapport à la « déchéance de nationalité » est qu’elle s’appliquerait à TOUS les français, dans les mêmes conditions, aux binationaux comme à ceux qui ont la seule nationalité française.
C’est une position que, pour ma part, je soutiens, convaincu que je suis que – sous une forme ou une autre, une formulation ou une autre – cette notion d’ « indignité nationale » permettrait de sortir par le haut du débat qui s'est ouvert dans notre pays.
Jean-Pierre SUEUR
>> Lire :
- l’intervention de René Cassin du 10 juillet 1944
- les conséquences de l’indignité nationale, inscrites dans le texte du 10 juillet 1944
- la déclaration de Nathalie Kosciusko-Morizet
- l’analyse de Dominique Raimbourg
>> Lire dans la presse :
- La République du Centre du 29 décembre 2015
- Apostrophe45 du 30 décembre 2015
- Mag’Centre du 30 décembre 2015
À tous les habitants du Loiret, et à chacune des 334 communes que compte notre département, je présente mes vœux les plus chaleureux pour l'année 2016.
Présentant ces vœux, je n'oublie pas que l'année 2015 qui s'achève fut bien sombre, et je pense à toutes les victimes du terrorisme, à celles et ceux qui ont perdu la vie ou ont été blessés et à leurs proches.
Je voudrais tant - comme nous tous - que nous ne connaissions plus ces horreurs, ni en France, ni dans les autres pays qui ont été touchés. Je voudrais tant que cessent ces cortèges de réfugiés fuyant la mort, que nous nous devons d'accueillir puisque le respect du droit d'asile est un devoir.
Mais je sais que pour lutter contre cette horreur, créatrice de tant de malheurs, les paroles ne suffisent pas. Il faut des actes. Et la France prend toute sa part dans la lutte contre le terrorisme, à l'intérieur comme à l'extérieur de nos frontières.
Et j'aurai, à l'aube de cette année nouvelle, une pensée pour tous ceux qui donnent beaucoup d'eux-mêmes, et que j'ai vus aux limites de la fatigue : policiers, gendarmes, militaires, membres des services de renseignement, médecins et personnels soignants dans les hôpitaux, secouristes, sapeurs-pompiers et professionnels de la sécurité civile.
J'y associerai tous les bénévoles qui aident nos concitoyens qui vivent dans la précarité.
En ce domaine non plus, les mots ne suffisent pas.
Même si cela n'est pas partagé par tous - et si je m'efforce d'être à l'écoute de tous -, je redirai mes convictions pour ce qui est de l'économie. Je crois qu'il est nécessaire de rompre avec trop d'années durant lesquelles notre pays a vécu à crédit et a perdu des points en termes de compétitivité. Même si c'est difficile, il était, et il reste nécessaire de réduire certaines dépenses publiques, certaines charges des entreprises, la dette et le déficit, car cette politique ardue est le préalable au retour de la croissance et à la création d'emplois.
J'ajoute qu'une telle politique, pour nécessaire qu'elle soit, ne peut être comprise et acceptée que si elle est juste. Des décisions ont été prises en ce sens. D'autres devront l'être.
Je ne dissimulerai pas qu'il existe en cette période des interrogations, des doutes et des inquiétudes. Chacun le voit.
Mais pour être équitable, il faut dire qu'il y a aussi des signes d'espérance. Ce fut, ainsi, un beau jour que celui qui vit à Paris les représentants de 195 pays adopter unanimement des engagements pour l'avenir de la planète. D'autres motifs d'espérance existent au sein de notre département du Loiret, désormais géré par une assemblée intégralement paritaire, comme au sein de notre région, enfin dénommée Centre-Val de Loire, et dont l'équipe dirigeante est à la fois confirmée et renouvelée. Je mesure chaque jour, dans notre département comme dans notre région, combien il y a de sens de l'initiative, d'esprit d'entreprise, de dynamisme associatif, de goût de l'innovation et de créativité culturelle. Je mesure aussi combien il y a de volonté de préparer l'avenir, en particulier dans l'Éducation nationale, les universités et le monde de la recherche.
Alors, oui, je nous souhaite une année 2016 plus souriante !
À toutes et à tous, et en particulier à ceux qui connaissent la maladie, la solitude et les difficultés de la vie, je présente mes vœux les plus sincères.
Jean-Pierre Sueur
Sénateur du Loiret.
Sous le titre « Lutte contre le terrorisme : résister au fatalisme », la revue Communes de France a publié un article de Jean-Pierre Sueur.
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