La politique a rarement été filmée de manière aussi forte, aussi réaliste, aussi convaincante que l’a fait Steven Spielberg dans son film consacré à Abraham Lincoln.
Ce film est tout entier centré sur un seul épisode : l’adoption, à l’initiative de Lincoln, du célèbre « treizième amendement » qui devait mettre fin à l’esclavage aux Etats-Unis.
La politique, donc, dans tous les sens du terme, est le sujet de cette incroyable saga qui met magnifiquement en scène une assemblée parlementaire qui, au terme de maints soubresauts et rebondissements, finit par adopter par deux voix de majorité le fameux amendement.
Pour y parvenir, Lincoln fit preuve d’une volonté de fer, d’une incroyable ténacité, contre son entourage et certains de ses proches, qui tentèrent de le dissuader. Pour atteindre son objectif, il ne lésina pas sur les moyens : tel parlementaire voulait tel poste, tel autre telle prébende. Les arguments furent parfois prosaïques. Et un certain nombre se révélèrent – comme l’écrira un critique – de « la vénalité mise au service de la vertu ».
…La politique donc : ce film nous la montre sous tous ses aspects. Elle est faite de rêves, d’idéal, d’altruisme et aussi d’ambitions, de culte de l’égo, d’intérêts, de mesquineries.
Sauf à rêver d’un monde idéal, qui n’existe pas, l’essentiel est de veiller – d’œuvrer – inlassablement, pour que la seconde partie de la phrase précédente de l’emporte pas sur la première – ne la dévore pas.
Cela nous renvoie – une fois encore – à Charles Péguy qui écrivait dans « Notre jeunesse » que la question essentielle était que « la mystique ne soit point dévorée par la politique à laquelle elle a donné naissance ».
Combat permanent, dont Péguy n’ignorait rien, lui qui écrivait aussi dans « Victor Marie Comte Hugo » : « Le kantisme a les mains pures, mais il n’a pas de mains ».
Jean-Pierre Sueur
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