Le jour même où débutait au Sénat le débat sur le projet de loi relatif aux droits des étrangers, MM. les sénateurs Retailleau et Buffet publiaient dans le quotidien L’Opinion une tribune qui commençait par cette phrase : « François Hollande ouvre grand les vannes de l’immigration. »
Cette expression, « ouvrir les vannes », et celle de « fuite d’eau » finement proférée par Nicolas Sarkozy, illustrent – et il est bien d’autres exemples – la vraie fascination qu’exercent sur un certain nombre de représentants de la droite les métaphores hydrauliques dès lors que l’on parle des étrangers, des immigrés ou des réfugiés.
Ceux-ci expriment à satiété la crainte de l’« ouverture des vannes », du débordement, de l’inondation, de la submersion, quand il ne s’agit pas de raz de marée !
Disons d’abord que ce vocabulaire est inacceptable. Il n’est pas respectueux – c’est le moins que l’on puisse dire – des étrangers qui viennent en France ou aspirent à y venir.
Ajoutons qu’il s’agit le plus souvent d’exacerber et d’exploiter les fantasmes.
Lors du débat au Sénat, Bernard Cazeneuve a rappelé que depuis des décennies, le nombre d’immigrés qui bénéficient de titres de séjour en France est stable : 200 000 en moyenne.
Il a rappelé que nous accueillons 65 000 étudiants étrangers en France chaque année. On pourrait – et on devrait – en accueillir davantage.
Précisons encore que le nombre d’étrangers vivant en France est stable, comme le nombre de personnes recevant le statut de demandeur d’asile (jusque, bien sûr, aux arrivées massives récentes).
J’ai toujours trouvé qu’il était très dommageable, mais aussi irresponsable, de se servir constamment de la question des étrangers, des immigrés et des réfugiés pour faire de la politique – et pour faire la politique de la peur.
J’ai regretté de constater qu’il en était ainsi au Sénat la semaine dernière.
Ainsi, que de réticences entendues, sur les bancs de la droite, quant au droit au séjour en France de conjoints de Français alors même que la loi pose des limites explicites (fraude, annulation du mariage, menace à l’ordre public). Ces limites existent, mais en dehors de ces limites, un droit est un droit.
Même chose pour le droit au séjour d’étrangers malades qui ne peuvent être soignés dans leur pays d’origine.
Même chose pour les étudiants étrangers qu’il faut accueillir dans de bonnes conditions, car ils seront demain les meilleurs ambassadeurs de notre pays dans le monde.
…Et enfin, que d’oppositions devant le fait que l’expression « droit des étrangers » figure dans le titre du projet de loi…
Il faut rompre avec cette thématique qui fait de tout étranger une menace. Et refuser le recours incessant aux métaphores hydrauliques !
Mais il apparaît, à l’évidence, qu’il y a encore du chemin à faire.
Jean-Pierre Sueur
Lire :
>> Les interventions de Jean-Pierre Sueur en séance publique sur l'article 4 et l'article 5
>> Le communiqué de presse
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