En dix jours, j’ai été invité à m’exprimer à trois reprises lors de rencontres ou de colloques sur les villes du futur*. J’ai pu mesurer en ces occasions que les constats et les idées contenus dans le rapport que j’ai fait avec beaucoup d’autres, « Villes du futur, futur des villes : quel avenir pour les villes du monde ?»**… font leur chemin.
Je rappellerai ici trois constats chiffrés que j’ai repris lors de ces trois rencontres - et qui illustrent bien, me semble-t-il, les défis que le « fait urbain » pose à la planète, en ce XXIe siècle.
Chaque jour, le nombre d’êtres humains qui émigrent vers une ville, sur l’ensemble de la planète, s’élève à plus de 180 000. Ce qui signifie qu’en un an, le nombre d’« urbains » s’accroît de plus de soixante millions de personnes, soit sept-cents millions en dix ans et un milliard en quatorze ans. C’est dire qu’en dépit de tous les vœux proclamés et tous les discours contraires proférés, notre planète devient, de plus en plus, urbaine. Le fait urbain est, toujours davantage, un enjeu planétaire.
La surface d’Atlanta est vingt-six fois supérieure à celle de Barcelone. Or, il y a plus d’habitants à Barcelone qu’à Atlanta. Résultat : le coût des déplacements, sur une année, des habitants d’Atlanta est dix fois supérieur au coût des déplacements des habitants de Barcelone. La dépense d’énergie y est aussi dix fois plus élevée. Conclusion : l’étalement urbain est consommateur de ressources. La densité urbaine est plus écologique. Mais elle l’est jusqu’à une certaine limite : il est des villes qui sont d’immenses nappes urbaines denses, de plusieurs dizaines de millions d’habitants, frappées d’embolies. Il faut penser, préparer, mettre en œuvre de nouveaux modèles urbains.
En 2010, un milliard d’habitants vivaient dans les bidonvilles. Il est prévu que ce chiffre s’élève à un milliard et demi en 2020. Nombres d’aires urbaines n’ont pas en leur sein les ressources financières nécessaires pour apporter des réponses à ces situations très difficiles. Souvent, les Etats où les villes concernées sont situées ne les ont pas non plus. C’est pourquoi, dans le rapport précité, nous plaidons pour une agence de l’ONU dotée – ce qui n’est pas le cas de l’actuel UN-Habitat – des moyens conséquents pour aider les aires urbaines concernées dans leur projets d’assainissement, d’urbanisme, de développement maitrisé – ce qui passe par nombre de projets évoqués dans le même rapport.
Jean-Pierre Sueur
* Le 6 novembre, rencontre avec l’Association des maires des grandes villes de France ; le 7 novembre, colloque de l’association française de développement (AFD) sur les villes durables ; le 14 novembre, colloque « Réinventer la ville », Hôtel de l’industrie, Paris.
** Ce rapport comprend trois tomes (enjeux, analyses, débats), 950 pages. Il peut être téléchargé sur le site du Sénat.