Sur la limitation du cumul des mandats, ma position est simple. Un engagement a été pris. Il doit être tenu. Ou alors il ne fallait pas le prendre.
De surcroît, cette position est justifiée.
D’abord, pour une raison de principe.
A qui fera-t-on croire que la France ne compte pas assez de talents, de compétences et d’expériences pour que chacune ou chacun assume – pour l’essentiel – un mandat parlementaire ou un mandat exécutif local – tel que maire de grande ville ou président d’une assemblée régionale ou départementale ? Au lieu que certains assument simultanément deux de ces mandats, n’est-il pas plus logique qu’un nombre plus élevé de nos concitoyens et concitoyennes exercent de tels mandats électifs ?
Et puis, il y a des raisons pratiques. Ayant été député durant trois mandats et exerçant un second mandat de sénateur, je puis témoigner qu’il est bien difficile de cumuler un mandat parlementaire qui prend son titulaire à plein temps et un mandat exécutif local important (maire d’une grande ville, par exemple) qui occupe également à plein temps. Pour avoir été onze ans maire d’une grande ville sans être parlementaire, je puis également en témoigner.
On me dit que s’ils n’exerçaient pas un mandat local, les députés et les sénateurs seraient « coupés des réalités des collectivités locales ». Mais, d’une part, la réforme proposée n’empêche pas un député ou un sénateur d’être conseiller régional, conseiller général ou conseiller municipal : seules les fonctions exécutives (président, vice-président, maire ou adjoint) sont concernées par le « non cumul ». D’autre part, lorsqu’un député ou un sénateur passe – c’est mon cas ! – chaque semaine en moyenne trois (ou quatre) jours dans son département et trois (ou quatre) jours au Parlement, il peut tout à fait être « sur le terrain », à l’écoute de ses concitoyens et des collectivités locales. Enfin, les parcours politiques peuvent donner lieu à des étapes différentes : dès lors que les électeurs en décident, on peut être député, puis maire, puis sénateur (c’est mon cas) et conjuguer ainsi au fil du temps, de manière très complémentaire, le travail national et le travail local.
Un dernier mot. Tous les ministres actuels – sans aucune exception – ont abandonné leur mandat exécutif local pour la période durant laquelle ils sont membres du gouvernement. Qui s’en est plaint ? Qui a jugé cela injustifié ? C’est, au contraire, une disposition très sage – un ministre doit se consacrer à temps plein à son ministère –, sur laquelle je pense que plus personne ne reviendra.
Jean-Pierre Sueur
La prise de position de Jean-Pierre Sueur et de son collègue Raymond Sutour a été largement reprise dans la presse :
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