>> Lire le courriel de Denis Toupry
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.Sur la limitation du cumul des mandats, ma position est simple. Un engagement a été pris. Il doit être tenu. Ou alors il ne fallait pas le prendre.
De surcroît, cette position est justifiée.
D’abord, pour une raison de principe.
A qui fera-t-on croire que la France ne compte pas assez de talents, de compétences et d’expériences pour que chacune ou chacun assume – pour l’essentiel – un mandat parlementaire ou un mandat exécutif local – tel que maire de grande ville ou président d’une assemblée régionale ou départementale ? Au lieu que certains assument simultanément deux de ces mandats, n’est-il pas plus logique qu’un nombre plus élevé de nos concitoyens et concitoyennes exercent de tels mandats électifs ?
Et puis, il y a des raisons pratiques. Ayant été député durant trois mandats et exerçant un second mandat de sénateur, je puis témoigner qu’il est bien difficile de cumuler un mandat parlementaire qui prend son titulaire à plein temps et un mandat exécutif local important (maire d’une grande ville, par exemple) qui occupe également à plein temps. Pour avoir été onze ans maire d’une grande ville sans être parlementaire, je puis également en témoigner.
On me dit que s’ils n’exerçaient pas un mandat local, les députés et les sénateurs seraient « coupés des réalités des collectivités locales ». Mais, d’une part, la réforme proposée n’empêche pas un député ou un sénateur d’être conseiller régional, conseiller général ou conseiller municipal : seules les fonctions exécutives (président, vice-président, maire ou adjoint) sont concernées par le « non cumul ». D’autre part, lorsqu’un député ou un sénateur passe – c’est mon cas ! – chaque semaine en moyenne trois (ou quatre) jours dans son département et trois (ou quatre) jours au Parlement, il peut tout à fait être « sur le terrain », à l’écoute de ses concitoyens et des collectivités locales. Enfin, les parcours politiques peuvent donner lieu à des étapes différentes : dès lors que les électeurs en décident, on peut être député, puis maire, puis sénateur (c’est mon cas) et conjuguer ainsi au fil du temps, de manière très complémentaire, le travail national et le travail local.
Un dernier mot. Tous les ministres actuels – sans aucune exception – ont abandonné leur mandat exécutif local pour la période durant laquelle ils sont membres du gouvernement. Qui s’en est plaint ? Qui a jugé cela injustifié ? C’est, au contraire, une disposition très sage – un ministre doit se consacrer à temps plein à son ministère –, sur laquelle je pense que plus personne ne reviendra.
Jean-Pierre Sueur
Les postes nouveaux que Vincent Peillon vient d’annoncer pour l’ensemble des académies - et donc celle d’Orléans-Tours – contrastent avec les suppressions massives d’emplois constatées au cours des dernières années et dont le moins que l’on puisse dire est qu’elles ne témoignaient pas d’un attachement à l’Education nationale ni de la prise en compte de la priorité que celle-ci doit constituer pour l’avenir de notre pays.
Ces créations de postes sont certes en nombre limité – le nouveau ministre n’est en fonction que depuis quelques mois -, et la formation et l’éducation, doivent redevenir des priorités pour notre pays.
Jean-Pierre Sueur
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.On dit parfois – ou souvent – des petites communes qu’« il ne s’y passe rien », que la vie y est d’un « calme plat », qu’il y a « peu de débats » et que « le politique s’efface » derrière une sorte d’« unanimisme ».
Rien n’est plus faux.
Les sénateurs, dont le corps électoral compte de très nombreux élus des petites communes et qui parcourent sans relâche – et avec intérêt et plaisir – ces « petites communes », le savent bien.
Et s’il était besoin de le démontrer, l’un des nombreux livres de cette « rentrée littéraire » le fait très remarquablement.
Il est dû à une brillante ethnologue, Marie Desmartis. Il s’intitule Une chasse au pouvoir : chronique politique d’un village de France et est publié aux éditions Anacharsis (collection « Les ethnographiques »).
Marie Desmartis a enquêté, des années durant, sur la vie municipale et sociale d’un très petit village des Landes de Gascogne qu’elle a renommé « Olignac » et qui compte une centaine d’habitants.
C’est un village où il se passe beaucoup de choses lors de chaque élection municipale, où la vie communale est loin d’être un « fleuve tranquille », où il y a des clivages ancestraux, des nouveaux venus, des conflits, une maire élue contre son gré, des incendies de palombières, des solidarités, des initiatives, des mutations, des incompréhensions, des haines recuites… Enfin tant de choses… qui font dire au critique de Télérama : « Si pour vous, François Hollande et Nicolas Sarkozy se sont montrés trop violents pendant la campagne présidentielle, lisez "Une chasse au pouvoir". »
Vous l’aurez compris : ce livre d’anthropologie se lit comme un roman policier. Ce n’est pas le moindre de ses mérites.
Son intérêt tient aussi à ce que, comme l’écrit Marie Desmartis, « toute la matière de ce livre est […] constituée de différentes épaisseurs du temps que j’ai tâché de conjuguer : celles du temps long de l’histoire des Landes de Gascogne ; celle, rythmée, des mandats municipaux ; celle, bihebdomadaire, de la vie d’une mairie ; celle en pointillé du terrain ; celle, libérée de l’écriture, auxquelles s’ajoutent parfois la rupture imprévue introduite par l’événement et, toujours, les soubresauts de la vie ».
Le livre est ainsi fait d’un éclairage du « temps court » par le « temps long », et réciproquement.
Le temps long, c’est celui des landes, où les plantations de pins changent en profondeur les équilibres : « La métamorphose du "désert" en forêt fut à l’origine d’un creusement vertigineux des inégalités sociales ».
Un temps « intermédiaire » est celui de l’arrivée, plus près de nous, sur plusieurs décennies, et par deux vagues successives – chacune soigneusement analysée – de « néo-ruraux » s’inscrivant dans le mouvement de la « rurbanisation ».
Le temps court, c’est la chronique haletante de la vie d’un village, que je vous laisse découvrir, dont on ne peut vraiment pas dire qu’en dépit du fait qu’il ne compte qu’une centaine d’habitants, il est de ces villages – mais y en a-t-il ? – où il « ne se passerait rien ».
J’ajoute que Marie Desmartis renouvelle par son expérience et ses observations un débat ancien sur la place de l’ethnologue qui ne saurait être totalement extérieur à l’objet de son étude et dont la présence – et même les maladresses, fidèlement décrites – modifient inéluctablement l’objet de l’étude et deviennent d’inévitables objets de l’analyse…
Comme l’écrit Alban Bensa dans sa préface, c’est une « ethnographie du détail, de la conjoncture, du récurrent et du hiérarchique que Marie Desmartis met ici à notre portée au moyen d’une écriture subtile et, je ne sais pourquoi, entraînante ».
Jean-Pierre Sueur
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