J’ai participé, à la totalité du débat sur la proposition de loi relative au droit de vote des étrangers aux élections locales, et y ai pris la parole à deux reprises.
Ce débat, si l’on excepte certaines interventions, n’a été ni médiocre, ni « politicien ». Il a été un débat sur le fond.
J’ai affirmé que le vote de cette proposition de loi était pour moi un engagement moral.
Nous nous étions engagés à instaurer ce droit de vote des étrangers résidant depuis un certain temps en France il y a trente ans déjà, en 1981. J’étais alors un jeune député.
Durant trente ans, nous avons expliqué que si cette réforme ne pouvait pas être votée, c’est parce que la majorité du Sénat y était hostile. Dès lors que cette majorité a changé, il était nécessaire et logique – c’était en effet un devoir moral – d’inscrire à l’ordre du jour cette proposition de loi, qui a été adoptée le 8 décembre à minuit. Ou alors l’argument selon lequel l’ancienne majorité du Sénat était hostile à l’adoption aurait été un mauvais prétexte et un faux semblant.
Le débat fut riche, parce que sur le fond, deux thèses s’opposaient.
Il y avait d’un côté, ceux pour qui la citoyenneté était – et ne pouvait être – que la conséquence de la nationalité. Dans une telle logique, il est impossible d’accorder le droit de vote, même pour une élection locale, à des personnes n’ayant pas la nationalité française et le seul chemin pour qu’un étranger accède à la citoyenneté est la naturalisation.
L’autre conception est celle que je partage, que nous partageons, et qui renvoie aux origines de la Révolution Française qui, aussi bien dans la Déclaration de 1789 que dans les premières constitutions adoptées, ne lie jamais citoyenneté et nationalité et prévoit, dans des conditions définies, l’accès des étrangers à la citoyenneté.
C’est cette inspiration qui nous a conduits à proposer à des personnes vivant en France depuis souvent des décennies, qui y travaillent, y paient leurs impôts, ont fréquemment des enfants de nationalité française, de voter lors des élections municipales.
C’est aujourd’hui le cas pour des étrangers issus d’un pays européen. Cela ne pose aucun problème. Je suis convaincu que lorsque la proposition de loi votée par le Sénat aura été définitivement adoptée, cela n’en posera pas davantage.
Ce sera un facteur d’intégration. Ce sera une avancée pour la démocratie. Et la France s’inscrira dans la longue liste des pays d’Europe et du monde qui ont instauré ce droit avant nous.
Jean-Pierre Sueur
Les interventions de Jean-Pierre Sueur dans le débat :
>> Sa réponse à François Fillon
>> Sa réponse à l’exception d’irrecevabilité
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